Poème inspiré à Michel LAGRANGE par les œuvres de Bertrand PHILIBERT lors de l'exposition à la Galerie d'Art et d'Or de Châtillon-sur-Seine
en 2019.
DÉSAFFECTÉ UN HOMME
Au pied d’une colonne
Anéantie à son sommet par le vide inconnu
Un homme
On le dirait pleurant deuillant et rescapé
D’une tragédie grecque
Il est le grand Poucet des bois perdus
À contre-sens
À contre-emploi
Dans l’espace hypocrite
Et le temps dévoyé
Ce qui est diablement certain
L’étrangle après l’avoir leurré
D’un nœud coulant trop lâche
Hors de saison un ciel veiné
De cercles d’âge intemporel
Une racine à nu
Se souvient quelquefois de l’enfance d’un arbre
En oubliant la raison de la sève
Invitant la Beauté
Dans cette tragédie de l’être humain
J’espère avoir le dernier mot
Je ne serai jamais assez vaillant
Pour porter le poids d’un ciel vide
Étrangement plus lourd
Que s’il exprimait l’au-delà
Naufragé mort en mer
Je suis l’imitation de ma survie
Robinson rêve à vendredi
Comme au jour de Vénus
Alors qu’il est cerné par un long mercredi des cendres
Éternité du Mal
On parlerait d’année-lumière
Insolemment
Mon souffle est centrifuge
Au point que je ressemble au cœur fossilisé
D’un arbre en expansion
Je suis écorché-écorcé vivant
Sur un panneau de bois contreplaquant le ciel
Mon divertissement de condamné à vivre
Est d’obliger mon pesant d’ombre
À danser avec de faux-jours
Telle est l’opacité d’un homme à double tour
Damné
Du végétal à la métaphysique
Un élan devient périlleux
Je voudrais barrer le premier accent de ma « récréation »
Pour devenir
Intersections de l’espace et du temps
No man’s land de mon désarroi
Trompe-l’œil des clairières
Jamais émancipé
De la pesanteur criminelle
À quoi bon me confier à l’essor des oiseaux
La vie dure
Et me contamine
En durée-dureté
D’ankylose agressive
Hermétiquement ouvert le néant
M’interdit toute échappatoire
Alors que tout me pèse
Y compris le plomb de ma rêverie
Je me prends pour Icare en train de se rêver
Dans une apesanteur porteuse et transcendante
Tombé dans le panneau solaire
Icare est mort
En regagnant son innocence
Ne me cherchez pas où je suis
Je fais semblant
J’oublie le sang qui ne circule plus
Dans les veines du bois
Qu’on aura crucifié
Pour obtenir les bras tendus de ma clôture
On voit le ciel trahir mon corps de funambule
Un puits de lumière au creux de la nuit
Et me voici pointé du doigt
Plaider coupable obéirait à des courants faciles
Être innocent relèverait de l’utopie
Tout autour de la mort
Ma vie est un huis clos
Une obsession de nostalgie
Me tient lieu d’espérance
Au milieu de laquelle
On touche à des confins
Qui sont un avant-mort-de-quelque-chose
Une forêt m’imprègne
Au point qu’on la devine à travers moi
Qui n’ai pas assez d’épaisseur
Pour m’opposer à sa résurrection
Comme un enfant rêve au sein maternel
En condamnant sa perspective adulte
Un homme en décomposition s’égrène en archipel
Dans les eaux du fœtus
Et dire en fin de vie que tout cela fut beau
Et que je me perdis dans le désastre
Michel LAGRANGE
Poète - Officier des Arts et Lettres -
Chevalier de l'Ordre National du Mérite - octobre
2019
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